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10/01/2008

La France et la construction européenne.

J’ai donné cette semaine à mes élèves de Première plusieurs sujets au choix pour le contrôle de Géographie comptant pour le 2nd trimestre : l’un d’entre eux portait sur « la France et la construction européenne, de 1950 à nos jours », thème qui reste d’actualité au moment où l’on commence à évoquer la prochaine ratification du traité « modificatif » constitutionnel de l’Union Européenne. Malheureusement, les copies rendues n’ont pas été à la hauteur de mes espérances, ni de celles des élèves concernés… L’Europe a beau être de plus en plus envahissante dans la vie quotidienne des citoyens français, elle reste encore largement méconnue, y compris des jeunes générations qui, pourtant, sont soumis depuis leur plus tendre enfance à la « pédagogie » (autre nom de la propagande…) européiste qui s’étale à longueur de colonnes dans les manuels d’histoire comme de géographie. Quant au rôle de la France dans la construction et dans l’Union européennes…

 

Pourtant, c’est en France qu’a été « lancée » la CECA (Communauté Economique du Charbon et de l’Acier) par la fameuse déclaration Schuman du 9 mai 1950, déclaration d’ailleurs rédigée par son ami et complice Jean Monnet. Mais c’est aussi la France qui, à plusieurs reprises, a freiné les dérives européistes : en 1954, par le vote parlementaire contre la CED (Communauté Européenne de Défense), vote qui montre l’hétérogénéité des oppositions à cette politique initiée par les démocrates-chrétiens puisque, au-delà des traditionnels contestataires gaullistes et communistes, une (courte) majorité des députés socialistes (53 contre 50) refuse cette ébauche de « défense européenne » ; en 1965, par la politique de « la chaise vide » pratiquée par la France gaullienne (bête noire des européistes) pour refuser l’idée d’une supranationalité qui condamnerait le pays à la soumission à une instance bureaucratique sans légitimité véritable ; en 2003, par la position particulière de la France face aux velléités états-uniennes d’intervention en Irak, intervention soutenue par la plupart des pays de l’UE et des futurs entrants de 2004 ; en 2005, par le référendum négatif sur le traité constitutionnel européen…

 

Cela a-t-il empêché la France de jouer un rôle de premier plan dans ce que l’on nomme la construction européenne ? Pas vraiment, et de Gaulle lui-même a pratiqué un « nationalisme pragmatique » qui ne refusait pas « l’Europe » mais entendait la faire sur les réalités, c’est-à-dire sur les nations historiques, avec les Etats politiques et non avec les seuls experts et banquiers ou autres idéologues qui font de l’Europe une nouvelle Parousie. Son idée d’une confédération européenne (et non d’Etats-Unis d’Europe, idée de Monnet) me semble encore possible et sans doute plus réaliste que les rêves d’un « Empire » commerçant et ludique, réglementaire et obligatoire, cette fameuse « Europe des cabris » qui l’exaspérait au plus haut point.

 

Les successeurs du général n’ont pas vraiment suivi son exemple et sa stratégie, faute de colonne vertébrale et, pour certains, de confiance en notre nation, considérée comme « trop petite » quand ils confondaient ainsi leur propre état d’esprit avec l’ambition nécessaire du pays qui, elle, ne souffre pas cette petitesse : de Gaulle avait bien compris que la France n’est elle-même que lorsqu’elle aspire à la grandeur, d’âme comme de politique, et que peu importe alors les plaintes des financiers et des actionnaires. « La politique de la France ne se fait pas à la Corbeille », rappelait-il avec raison.

 

La France a un grand rôle à jouer dans la construction européenne en cours mais elle n’est pas pour autant obligée de renoncer à ce qu’elle est, à ce qui fait sa particularité et sa liberté au regard de l’Histoire et de l’Europe : ce n’est pas en uniformisant que l’on créé l’unité d’un ensemble mais en permettant à chacun de développer ses propres qualités et d’en faire profiter ses partenaires. Il n’est pas certain que l’Union européenne actuelle soit à la hauteur des nécessités du moment comme de l’avenir à souhaiter… Ce n’est pas, en tout cas, en lui abandonnant notre destin de nation que l’on relèvera les défis contemporains.

 

07/01/2008

Les opposants à la logique inéluctable de la construction européenne...

Dans une précédente note, j’ai commencé à évoquer les remarques que me suscite l’article de Catherine Chatignoux sur la construction européenne ; en voici la suite, à partir de la 2ème remarque…

 

 

 

2° : Comme je l’ai écrit en 1°, il n’y a pas de « sens de l’Histoire », c’est-à-dire de « sens obligatoire », d’inéluctabilité politique. Mais d’autre part, contrairement à ce que croit Catherine Chatignoux, il est des gens qui contestent la direction et le caractère obligatoire que prend cette construction européenne, et le fait qu’ils soient minoritaires, souvent adversaires les uns des autres, parfois de mauvaise foi, n’enlèvent rien à l’existence d’un courant sceptique à l’égard de cette construction artificielle. Le problème est sans doute qu’il n’a pas grande visibilité ni lisibilité et que, dans la plupart des cas, il s’agit d’un sentiment d’hostilité confus et qui ne propose aucune alternative crédible. J’ai bien dit « dans la plupart des cas », ce qui signifie que, heureusement, ce n’est pas dans la totalité des cas… Effectivement, il est, à gauche comme à droite, des personnes qui réfléchissent au sort de la France (et, plus largement, des nations et des Etats politiques) au-delà même du sort de l’Union européenne et qui ne confondent pas l’une avec l’autre, l’une dans l’autre. Il suffit de lire, par exemple, le périodique de Paul-Marie Coûteaux, le « créateur » en France du concept de « souverainisme », ou de lire les livres de Jean-Pierre Chevènement pour s’en rendre compte. Le site www.lesmanantsduroi.com y fait régulièrement référence, ainsi qu’au général Gallois, l’un des fondateurs de la doctrine de dissuasion nucléaire française appliquée par le président de Gaulle. Par contre, d’autres contestataires se contentent de râler sans rien proposer : attitude vaine sur le long terme mais parfois, on l’a vu en 2005 dans certains débats sur le traité constitutionnel, fort efficace sur le court…

 

La géopolitique n’est peut-être pas une science mais elle est, en tout cas, éminemment politique, et c’est son étude et la recherche prospective en ce domaine qui peuvent ouvrir, proposer, pratiquer des voies nouvelles, et sortir des impasses actuelles, de cet élargissement sans fin ni fond qui transforme l’UE en un grand Marché impolitique, tenté par la seule « alliance occidentale » qui ferait des Etats-Unis le maître de cet ensemble économique européen… Se contenter de cette « logique historique inéluctable de la construction de cette Europe élargie », comme le dit Mme Chatignoux, serait suicidaire pour nos sociétés politiques. Les quelques opposants à cette logique l’ont compris, même confusément pour la plupart.

 

Le jour où il n’y aura plus personne pour remettre en cause cette « logique inéluctable », c’est qu’il n’y aura plus personne pour remettre en ordre les équilibres dans les relations internationales…

 

Attention néanmoins à ne pas commettre une erreur d’interprétation de mes propos : je ne suis pas un « idéologue » ou un « artificialiste » qui oublieraient les réalités et bâtirait un « ordre idéal » sur quelques idées fumeuses. Aujourd’hui, c’est à partir de la construction européenne et de ce que j’en vois et en pressens que je raisonne, tout comme à partir des réalités et des situations géopolitiques que je conteste cette « logique » ou, plutôt, son inéluctabilité comme je l’ai évoqué dans le 1°. C’est parce que je constate que la construction européenne actuelle se fait de manière idéologique et sur la base de préjugés, en particulier économiques, que je suis réservé à son égard, voire fort critique. S’agit-il, pour autant, de la défaire ? La réponse n’est pas si simple…

 

 

 

(à suivre)